La non-rémunération des stages est actuellement l’enjeu dont tout le monde parle. Elle est devenue en quelques mois seulement l’enjeu phare du mouvement étudiant. Si bien qu’on envisage désormais d’entreprendre une grève générale illimitée à l’hiver 2019 en vue de son obtention.
Cela peut facilement se comprendre, la rémunération des stages est un enjeu extrêmement important puisque :
- Les stages concernent une grande partie de la population étudiante dans les Universités, Cégeps, Centres de formation;
- Les stages, comme toute forme de travail, méritent une rémunération;
- Les stages non rémunérés constituent actuellement du travail forcé dans le cadre des études;
- Les stages non rémunérés et mal rémunérés sont utilisés pour fournir de la main d’oeuvre bon marché (pour ne pas dire du travail forcé et gratuit) à l’État et aux entreprises pour lesquelles ils génèrent du profit;
- Le travail sous forme de stage empêche les stagiaires de se syndiquer pour améliorer leurs conditions;
- Les stagiaires ne sont pas couvert·e·s par les régimes d’assurance collective;
- L’imposition de stages obligatoire empêche de concilier travail, études, stages et vie privée, ce qui nuit à l’accessibilité aux études.
Nous voyons donc que la non-rémunération des stages est une forme particulièrement vicieuse d’exploitation de la main-d’œuvre étudiante. Gratuite et obligatoire, l’exploitation parfaite pour un régime capitaliste ! Elle est de plus source d’une misère noire et d’un isolement croissant. Elle est donc la revendication la plus juste qui soit, mais ce n’est pas tout d’être juste.
La rémunération des stages trouve des ennemis, qui cherchent à tout prix à maintenir la non-rémunération des stages même si cela est fondamentalement injuste : les capitalistes. Car pour les entreprises, le gain est double. D’une part, la main-d’œuvre entièrement gratuite que sont les stagiaires, qui n’ont ni le pouvoir de se syndiquer, ni le pouvoir de quitter leur travail, nécessaire à l’obtention de leur diplôme; d’autre part, la multiplication des stages non rémunérés qui permet l’externalisation du coût de la formation. La formation n’est plus comprise dans les frais des entreprises, mais assumée par la collectivité, voire pas du tout. La bourgeoisie s’oppose ainsi clairement à la rémunération des stages ; la lutte pour sa rémunération est donc une lutte de classe. L’État a aussi à y gagner, car il n’est jamais neutre : il est toujours le mécanisme d’oppression de la classe dominante, ici la bourgeoisie. L’État est donc bourgeois et il gère les affaires de la bourgeoisie. On ne s’étonne donc pas qu’il défende ses intérêts. L’État, en refusant la rémunération des stages effectués dans la fonction publique, procède à une économie drastique de dépenses étatiques qu’il peut réassigner aux intérêts du Capital : crédits d’impôt, primes d’exportation et subventions aux entreprises, bref les intérêts capitalistes. L’Exploitation vicieuse du Travail par le Capital, dans l’intérêt de ce dernier, est irréconciliable avec la rémunération qu’exige l’intérêt du Travail.
On ne peut pas simplement aller voir de tels ennemis de la rémunération des stages, pour aller leur demander d’être gentils et de rémunérer nos stages. Ils n’y ont pas intérêt. Avoir une revendication juste et équitable ne suffit pas dans un monde injuste et inéquitable (surtout face aux responsables de cette injustice et cette inégalité ; les gouvernants). On ne peut pas essayer d’aboutir à un compromis pour la rémunération, passer de la rémunération de tous les stages, à la rémunération d’un seul programme à la rémunération d’un seul stage de ce programme, de la rémunération d’un seul stage dans un seul programme à sa seule compensation, sans possibilité de se syndiquer, ni assurance collective, ni convention collective. Il faut n’avoir aucune expérience de travail pour ne pas comprendre la supériorité de la rémunération sur la compensation. On ne veut pas une plus grosse part du gâteau on veut toute la p*tain de boulangerie ! comme le disent les étudiant·e·s français·es actuellement en grève. On ne veut pas se contenter de réformettes de pacotille. Réformes Chloroforme ! comme on disait en Mai 68. La bourgeoisie considère les réformes comme un recul stratégique pour mieux reprendre ce qu’elle a concédé. Les acquis de la loi Faure (gain de 68), notamment la suppression de la sélection, furent attaqués en 1986 (loi Devaquet) dans le but avoué pour la bourgeoisie de reconquérir ses concessions de 68. Elle a échoué devant la mobilisation de 86-87. Aujourd’hui le Plan étudiant de Macron s’y attaque encore, seule la mobilisation nous dira si cette contre-offensive bourgeoise réussira. On comprend dès lors que les vrais changements viennent des luttes, de la mobilisation, et se conservent avec elles.
On ne cherche pas à convaincre l’État ou le gouvernement libéral du bien-fondé de la rémunération des stages ou de sa justice, ça, ils en sont parfaitement conscients ! Mais ils décident d’agir en parfaite connaissance de cause même si cela entraîne la misère et l’exploitation d’étudiant·e·s. Le Capital est amoral. Il ne s’embarrasse que de considérations économiques. Ces gens ne changeront jamais d’avis. Si nous ne pouvons pas les convaincre, nous devons revendiquer!
Ce qu’il nous faut, c’est un rapport de force. Le rapport de force actuel n’est pas à notre avantage, le gouvernement et les libéraux contrôlent des milliers de fonctionnaires, le budget de la province, et le parlement. En plus d’avoir de puissantes ramifications dans les médias et les entreprises privées. Mais le rapport de force peut tourner à notre avantage. En 2012, le gouvernement libéral disposait des mêmes pouvoirs, nous avons pourtant réussi à inverser le rapport de force en notre faveur et à le vaincre.
C’est du syndicalisme de combat. Il faut créer un rapport de force et le faire tourner à notre avantage. C’est possible à l’aide de moyens de pression. C’est ce que nous faisons lorsque nous rédigeons des pétitions, que nous débrayons des classes, que nous manifestons haut et fort, que nous bloquons des immeubles et que nous organisons des perturbations économiques. Nous lançons un ultimatum au gouvernement : « Soit c’est la rémunération des stages, soit c’est la rue, les démonstrations de force, les lignes de piquetage et les occupations ! » L’ultime moyen de pression, c’est la grève générale illimitée (GGI). La grève générale illimitée est notre contre-pouvoir à nous, étudiant·e·s. Par là, nous provoquons l’arrêt des cours universitaires, collégiaux et secondaires. C’est simple, soit le gouvernement accède à nos revendications en matière de politique universitaire ; soit il n’y aura PAS d’université ! Mais pour que la tactique de la grève générale illimitée fonctionne, nous avons besoin d’implication politique des étudiant·e·s.
Il y a des problèmes étudiants, c’est incontestable (l’instabilité d’emploi, le chômage des jeunes, les prêts et bourses, l’endettement, les frais de scolarité, etc.). Nous sommes confrontés sur une base quotidienne à ces problèmes. Il existe cependant deux types de solutions aux problèmes matériels, les solutions individuelles et les solutions collectives.
Par exemple, nous pouvons, en tant que travailleurs·euses salarié·e·s, comme prolétaires, rencontrer le problème des bas salaires. La solution individuelle consiste à abandonner son métier pour en trouver un plus rentable (par une formation professionnelle, peut-être). On peut ainsi passer du salaire minimum (actuellement 11,25 $/h) à un salaire plus élevé (idéalement décent : supérieur à 15$/h). Mais c’est la une solution individuelle qui ne fonctionne que pour soi-même : elle fait entrer en compétition les prolétaires les un·e·s contre les autres (ou les étudiant·e·s contre les étudiant·e·s, etc.). Elle divise donc la classe des travailleurs·euses et de l’intérieur.
Mais ce n’est pas la seule solution. Une personne peut aussi militer pour que son salaire augmente de manière à atteindre le salaire de l’emploi convoité. En effet, le travail a une valeur égale, peu importe le métier. Mais pour cela, nous devons chercher des solutions collectives. Nous devons créer des syndicats, trouver des camarades qui partagent notre condition.
On voit que la solution individuelle nécessite, pour être un succès, que personne n’applique la même tactique ; la solution collective, au contraire, exige que tou·te·s appliquent la même tactique. Pour faire passer le salaire de 11,25$ à 15$, on doit agir avec ses camarades, pour structurer les revendications, réfléchir à des moyens de pression, coordonner une grève. Mais si on réussit, tout le monde réussit et on a d’autant plus de chances de réussir que nous ne sommes pas seul·e·s. La solution collective unit la classe. La solution individuelle divise les étudiant·e·s et fait le jeu de la bourgeoisie.
Nous pouvons en revanche chercher à bonifier les bourses de l’AFE. Nous pouvons, par exemple, vouloir que l’AFE double le montant actuel de ses bourse, ou demander la conversion des prêts en bourses. Si nous nous mobilisons, nous pouvons les obtenir. Mais ces solutions sont collectives et en cela elles sont politiques. Elles sont politiques, car elles impliquent la création d’organisations politiques (syndicats, associations, collectifs, etc.) et l’organisation d’actions politiques (grèves, occupations, perturbations, etc.). C’est donc un développement de solutions collectives, exigeant une mobilisation incessante et une agitation-propagande continue auprès des masses ouvrières et étudiantes.
Les solutions collectives étudiantes, comme ouvrières, exigent l’implication politique du plus grand nombre. Cette implication dans le cadre de la grève générale étudiante à venir revêt plusieurs formes. Il s’agit d’obtenir des signatures, de tenir des tables et des points d’informations, de rédiger puis de distribuer des tracts, et d’écrire, de faire circuler et de lire des brochures et des journaux. Il faut aussi faire des tournées de classes, convoquer des assemblées générales, se présenter dans ces assemblées générales, faire des propositions de grève et d’actions, coordonner ces grèves et ces actions. Il faut occuper les campus, descendre dans la rue et crier notre colère. Toutes ces tâches et bien d’autres encore, c’est cela que nous appelons implication politique. Elle est nécessaire pour faire triompher le mouvement de grève générale à venir. Elle est aussi nécessaire à l’obtention de la rémunération des stages que nous désirons si ardemment, ce qui fait d’elle une question aussi brûlante.
Au problème de la non-rémunération des stages, il n’y a pas de solution individuelle ! La solution individuelle consiste à abandonner la rémunération des stages. Elle consiste à se faire compétition pour des bourses. La solution est collective ! Elle passe par la grève générale illimitée à l’hiver 2019. Elle exige votre implication politique ! Camarades, la lutte est en marche. Rejoignez le mouvement, impliquez-vous politiquement pour la rémunération des stages avec la grève générale illimitée de 2019 !
Comme on le disait en Mai 68 : « si tu ne fais pas de politique, la politique s’occupera de toi! » et rappelons les sages paroles de Pierre Falardeau adressées à ceux et celles qui trouvent qu’on va trop loin avec la grève générale illimitée : « on va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part! »
ASC