Des milliers d’étudiantes et d’étudiants étrangers du Québec peuvent maintenant dormir la nuit. Le gouvernement de la CAQ a finalement retiré son plan de réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) le 8 novembre dernier, suite à une semaine de critiques provenant de toutes parts. Si la menace est écartée pour l’instant, elle demeure toutefois entière.
Les étudiantes et les étudiants étrangers, les partis d’opposition ainsi que les représentants du milieu des affaires et du système de l’éducation n’ont pas manqué de souligner le rôle qu’ils ont joué dans le recul du gouvernement. Est-ce que ces congratulations sont toutes méritées? Ce qui semble avoir été déterminant dans cette histoire est le schisme opéré entre le gouvernement et le secteur des affaires suite à l’annonce de la réforme.
Les rappels à l’ordre de l’élite économique pèsent lourd dans la balance. Le premier ministre François Legault révisera la réforme mise de l’avant par son ministre Simon Jolin-Barrette afin de la représenter dans le futur. Gageons que cette fois, elle conviendra davantage aux boss. Si tel est le cas, il faut concevoir dès maintenant la meilleure stratégie de lutte pour obtenir une victoire durable.
La CAQ n’a pas fait ses devoirs
Les nouvelles directives du PEQ, qui devaient s’appliquer rétroactivement, visaient à limiter les programmes d’études offerts aux personnes immigrantes en fonction des « besoins » du marché. Les candidatures pouvant recevoir un Certificat de sélection Québec (CSQ) grâce au PEQ s’en trouvaient réduites, coupant court aux études de personnes installées au Québec depuis des années. Or, la nouvelle liste d’admissibilité comprenait des programmes inexistants, des formations données au siècle dernier et d’autres encore auxquels les étudiantes et étudiants internationaux n’avaient même pas accès.
Legault a vanté son projet de loi comme étant le fruit d’une collaboration mûre avec plusieurs acteurs concernés, acteurs qui l’ont rapidement contredit et qui ont souligné ne jamais avoir été approchés. La CAQ a tenté de vendre sa réforme comme une tentative de rapprochement entre l’immigration et les demandes du marché du travail. Cependant, les organismes représentant les milieux des affaires avaient un discours différent. Elles ont indiqué que la réforme allait nuire à l’entrée de main-d’œuvre bon marché au Québec.
Isolement complet
En plus de soulever l’ire dans le milieu de l’éducation, la réforme bâclée de Legault l’a fait nager à contre-courant des intérêts des grands capitalistes du Québec. L’isolement flagrant de Legault s’est révélé à la suite de son incapacité à nommer un seul allié dans le Québec Inc. À l’Assemblée nationale, il a été réduit à justifier ses appuis en mentionnant l’activité sur son profil Facebook. Après avoir perdu la face, le geste logique était de rebrousser chemin, non sans avoir terni le vernis d’appui dont la CAQ bénéficiait toujours.
Un populisme de droite de plus en plus difficile
La CAQ tire son large appui parmi la population de par son populisme identitaire blanc, francophone et catholique. Elle s’appuie également sur l’élite économique des PME de région qui ne se retrouve ni chez les libéraux ni chez le Parti québécois. Il n’est pas surprenant que Legault se soit attaqué autant aux rectorats des universités – qui accepteraient des étudiants et étudiantes de l’étranger uniquement pour l’argent – qu’à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui ne voudrait que de la main-d’œuvre à bas prix. En s’en prenant à ces deux institutions perçues comme élitistes, Legault a tenté de gagner des points auprès des travailleuses et des travailleurs prêts à croire que Legault est capable de se tenir debout face aux grands pouvoirs du Québec. Est-ce vraiment le cas?
Maintenant que la CAQ prévoit des consultations afin de « refaire » sa loi, est-ce qu’elle maintiendra un dialogue combattant avec les représentants économiques? Est-ce que Legault demandera aux personnes venues raconter leur histoire, en larmes, ce qu’elles en penseront? Non. Mais, les acteurs économiques critiqués par la CAQ seront, quant à eux, bien invités à rencontrer le premier ministre.
Opposition au parlement
Tous les partis d’opposition sans exception se sont rangés du côté des étudiantes et des étudiants étrangers. Après le recul de la CAQ, plusieurs étudiants et étudiantes ont remercié l’action des parlementaires libéraux et péquistes. Or, les mesures prises du temps où ces partis étaient au pouvoir ont de quoi refroidir certaines accolades.
Les libéraux de Philippe Couillard sont responsables des plus fortes hausses de frais de scolarité payés par les étudiantes et les étudiants internationaux dans l’histoire récente du Québec. En mai 2018, le gouvernement libéral a déréglementé leurs frais de scolarité. Les universités ont depuis le champ libre pour augmenter ces frais comme bon leur semble. Les étudiants et étudiantes de France avaient déjà vu leur facture tripler en 2015. De son côté, le Parti québécois, confus, n’a fait que suivre la vague.
Seuls les membres de Québec solidaire (QS) et de son caucus parlementaire se sont mobilisés lors du rassemblement contre la réforme du PEQ devant l’Assemblée nationale le 7 novembre. Des membres de QS jouent aussi un rôle moteur dans l’organisation d’actions pour les étudiantes et étudiants étrangers. Comme la motion exigeant l’annulation de la réforme a été déposée par un député libéral, le PLQ récolte les bénéfices d’une lutte qu’il n’a pas menée.
Mobiliser sur le terrain
Dès l’annonce des modifications rétroactives au PEQ, des centaines d’étudiants et d’étudiantes se sont mobilisées partout au Québec, à l’Institut Teccart, à l’Université de Sherbrooke, dans certaines écoles de la Commission Scolaire English Montréal et ailleurs. Ces personnes sont allées à Québec partager leur histoire. Elles se sont organisées en groupes pour défendre leurs intérêts. Cette mobilisation spontanée est inspirante. Cette force doit être investie et organisée plus largement pour les luttes futures.
La CAQ va continuer de blâmer les « autres » pour les problèmes que connaît le Québec. Sa loi 9 et ses 18 000 dossiers d’immigration jetés aux poubelles, sa loi 21 et sa discrimination aux études et au travail ou encore son test des valeurs sont toutes des manières de nous diviser. Mais comment peut-on y faire face?
S’organiser sur le terrain
En s’organisant. En créant la solidarité sur la base de ce qui nous unit tous et toutes, peu importe notre pays d’origine. Que nous soyons aux études ou non, nous sommes tous et toutes des travailleurs et des travailleuses (ou en train de le devenir). Cette solidarité a débuté avec la mise sur pied de réseaux de support, de communication et de lutte. Les pages Facebook, WeChat, etc. sont un bon début. Mais elles ne remplacent pas les espaces d’organisation démocratique où des stratégies communes peuvent se décider face à face, ensemble. Faisons vivre des groupes d’action composés d’étudiants et d’étudiantes touchées par les réformes du PEQ! Une lutte sérieuse nécessitera un partage du travail, une flexibilité des tactiques ainsi que la poursuite d’objectifs concrets.
Construire un appui large
Les étudiantes et étudiants étrangers ne sont pas seuls. Outre Québec solidaire, de nombreuses associations étudiantes locales ont agi en leur faveur. Les deux associations étudiantes panquébécoises subsistantes (UEQ et FECQ) ont démontré l’utilité d’avoir une structure nationale étudiante pour ce type de lutte. Il est urgent de reconstruire une association nationale démocratique armée d’un programme socialiste si nous voulons réellement mettre fin à l’exploitation et à la précarité.
La bataille contre la réforme du PEQ s’inscrit dans un mouvement de résistance des travailleurs et des travailleuses contre les attaques de l’élite capitaliste. La classe travailleuse doit se mobiliser contre la précarisation, l’austérité et le racisme créé par et pour la classe dirigeante. Les membres d’Alternative socialiste croient qu’une atteinte aux droits des futurs travailleurs et travailleuses, peu importe leur pays d’origine, est une atteinte contre tous les travailleurs et travailleuses du Québec. Si nos perspectives de lutte vous intéressent, contactez-nous et joignez Alternative socialiste!