L’histoire du 1er mai : Journée internationale des travailleurs

Le premier mai, Journée internationale des travailleurs, tire ses origines de l’un des principaux combats syndicaux du 19e siècle, soit celui de la limitation de la journée de travail à 8 heures. Au-delà de la simple tradition, et contrairement à notre « Fête du Travail » le premier lundi de septembre, ce jour n’en est pas un de fête, mais de combat. Doublé d’un jour de souvenir, afin que l’on se souvienne du massacre de Haymarket Square dans les premiers jours de mai 1886 à Chicago. Cette belle journée de printemps, celle qui précède les doux jours d’été, est pour ceux qui l’honorent un symbole d’espoir, car la cause ouvrière, quoique plus avancée aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque, est toujours un combat d’avant-garde et une nécessité pour tous ceux qui croient encore en l’avenir. Enfin, retournons un petit peu dans le passé afin de se remémorer les événements qui ont fait de cette date ce qu’elle est aujourd’hui.

L’histoire de la Journée internationale du travail commence chez les travailleurs australiens qui ont eu l’initiative de faire une grève de masse le 21 avril 1856 comme moyen de pression afin d’obtenir une baisse des heures de la journée de travail, soit à 8 heures. La journée typique pour un prolétaire en usine (tout pays industriel confondu) était à l’époque d’au moins 10 à 12 heures par jour. Cette grève contre toute attente fut un succès retentissant, ce qui fit que l’expérience se devait d’être reproduite ailleurs.

Quelques années plus tard, Karl Marx organise en 1864, trois ans avant la publication du Capital, l’Association internationale des travailleurs qui affirme que « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et déclare agir « pour l’émancipation définitive de la classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition définitive du salariat ». Cette adresse sera l’âme de la Première internationale. Friedrich Engels, qui a grandement contribué à ce mouvement dira, lors de son discours sur la tombe de Marx que c’était le couronnement de toute son œuvre.

Vingt ans plus tard, les Américains emboîtaient le pas. En octobre 1884, la Fédération américaine du travail, l’American Federation of Labour (AFL), organisait sa 4e convention à Chicago, où fut adoptée une mention sur la nécessité de l’implantation des 8 heures. En tant que syndicat raisonnable, ils donnèrent donc un délai de 2 ans aux employeurs pour prévoir le coup en plus de s’engager à ne pas demander de hausse de salaire d’ici là. Par contre, si les employeurs après ce délai n’acceptaient pas cette réforme, la fédération s’engagerait à mener des grèves de grandes ampleurs jusqu’à l’obtention de son objectif. Dès lors, les dés étaient jetés !

Comme de bien entendu, le patronat, fidèle à son habitude, se fit très discret sur sa volonté de mettre en place ce changement dans les délais prescrits. Les syndicats décidèrent donc de mettre en place leur unique moyen de pression à partir du 1er mai. Évidemment, ce choix n’était pas dû au hasard, car c’était le début de l’année fiscale. Mais en plus de cela, le 1er mai était aussi le moving day, où les baux devaient être renouvelés. Autrement dit, une journée potentielle d’enfer pour les puissants.

L’appel à la grève générale fut largement suivi dans le pays et environ 350 000 personnes répondirent « Présents ! » à ce grand jour. Malgré ce succès, la situation n’évolua guère par la suite. À Chicago, principal bastion de la cause, une grande marche fut organisée au 3ème jour de mai avec près de 4 000 ouvriers afin de donner leur appui aux grévistes de la société McCormick qui faisaient face à des patrons particulièrement cyniques, notamment par leur usage immodéré des briseurs de grève (scabs). Ce jour fut particulièrement funeste, car il dégénéra en un conflit direct avec les policiers, ce qui fit 3 morts chez les grévistes. Au lendemain de ce drame et sous l’impulsion de l’indignation populaire, une manifestation de près de 15 000 personnes est organisée au Haymarket Square. Comme celui de la veille, l’événement devait entrer en conflit direct avec les policiers. C’est alors qu’une bombe explosa du côté des policiers, faisant un mort. Une bagarre terrible se produisit, provoquant plusieurs blessés et morts des deux côtés. Il est à noter que l’origine de « l’attentat » à la bombe était en provenance d’un contingent anarchiste parmi les manifestants et que ceux-ci, à l’instar de leurs camarades européens, étaient particulièrement infiltrés par les services secrets. L’usage d’agents provocateurs1 est toujours un bon moyen à employer quand on veut éliminer le soutien populaire d’une potentielle insurrection et c’est effectivement ce qui se produisit en cette grève générale et causa la condamnation à mort de sept syndicalistes et l’emprisonnement de plusieurs autres. Le jour de pendaison des sept détenus fut plus tard appelé Black Friday.

Un peu plus tard, de l’autre côté de l’océan Atlantique, en 1889, une nouvelle Internationale ouvrière, fondée par Friedrich Engels, la IIe Internationale, était mise en place et décréta comme l’un de ses objectifs principaux la fixation de la journée de travail à 8 heures. Mais plus encore, l’Internationale avait comme objectif fonctionnel de base la mise en place d’une journée de grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail (C’est la proposition de Raymond Lavigne, militant syndicaliste et membre du parti ouvrier français de Jules Guesde, qui fixa le principe). Comme une grande manifestation était déjà prévue par l’AFL aux États-Unis en cette date du premier mai 1890, l’exemple fut suivi par l’Internationale et perdurera encore jusqu’aujourd’hui.

Le Congrès international de Zurich dans sa séance du 11 août 1893 décrétait que la manifestation du 1er mai pour la journée de huit heures doit en même temps affirmer en chaque pays l’énergique volonté de la classe ouvrière de mettre fin par la révolution sociale aux différences de classe, et ainsi de manifester par la seule voie qui conduit à la paix dans l’intérieur de chaque nation et à la paix internationale2.

Ce principe est encore aujourd’hui, ici même au Québec, criant d’actualité, car non seulement la cause ouvrière, autochtone et étudiante est plus que jamais dans une voie sans issue face au pouvoir, mais le peuple dans son ensemble crie sa volonté de changer ce système corrompu et vieillissant.

Alors, en cette journée de combat et de souvenir, pas une seule minute à prendre en silence, mais toute une vie de lutte !


[1] En 1893, le gouverneur progressiste de l’Illinois signe des pardons pour les syndicalistes encore détenus, en raison de la fragilité de l’enquête et du processus judiciaire
[2] Congrès international ouvrier socialiste convoqué à Paris du 14 au 21 juillet 1889

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