Le concept d’État-Providence a pour but principal d’augmenter l’égalité des chances dans une société, et ainsi faire respecter le principe de différence que Rawls estime nécessaire dans toute démocratie libérale. Le programme d’Aide Financière aux Études, ou l’AFE, est une de ses institutions qui contribuent à cet idéal de justice, et grâce à elle, nous avons pu affaiblir les ponts qui nous liait aux époques précédentes : l’éducation n’est plus le privilège exclusif des riches. Mais même s’il est bien de souligner le progrès d’un État en termes de justice sociale, il ne suffit pas d’en rester là et se dire qu’au moins c’est beaucoup mieux qu’avant, et que c’est mieux que dans la plupart des autres pays, et qu’ainsi on devrait s’en contenter et ne pas chialer. Une telle mentalité paralyse les réflexions sur comment il serait possible d’améliorer davantage notre société et l’approcher encore plus de notre idéal de justice. En effet, tout changement politique, même pour le mieux, apporte son lot de nouveaux problèmes, de nouvelles dysfonctions, en plus d’apporter de nouveaux écarts entre la théorie idéale et son application dans la réalité concrète des citoyens. Un des nouveaux problèmes, entre autres, crées par l’État-Providence, c’est le poids que la classe moyenne doit supporter pour garder les riches au pouvoir et les pauvres dans une situation « décente ». Un programme d’aide au plus démuni requiert des fonds, et ces fonds, ce sont la classe moyenne et la classe riche qui les subviennent avec l’impôt. Pour les riches, cela n’est que quelques miettes de pain à jeter de plus aux canards. Mais pour la classe moyenne, la vie coûte déjà assez cher comme ça, et n’étant pas « pauvres », ils ne sont donc pas admissibles à certains services sociaux, dont l’AFE, et pourtant cela n’empêche pas qu’ils doivent payer des impôts comme tout le monde. Les familles et individus issus de la classe moyenne se trouvent alors coincés dans une situation où ils frôlent régulièrement la barrière qui les sépare des pauvres, et plusieurs peuvent même être considérés comme se retrouvant dans une situation que l’on pourrait nommer « presque pauvre ». Certains sont même encouragés à devenir délibérément pauvres, car au moins, de cette façon, ils auront de l’aide du gouvernement. On voit alors que dans ce « progrès », la condition des pauvres a certes amélioré, mais au détriment de la condition de la classe moyenne.
La tripartition entre les riches, les pauvres, et ceux qui « s’en sortent » est centrale à la problématique de l’AFE, car un tel système encourage, évidemment, les riches à rester riches, mais elle encourage aussi les pauvres à rester pauvre, et encore pire, elle encourage la classe moyenne à devenir pauvre, car il est en fait plus facile d’avoir accès aux études universitaires en étant pauvre qu’en étant dans la classe moyenne. L’AFE, plutôt que de résoudre le problème de l’accès à l’éducation supérieure, ne fait que déplacer le problème : maintenant ce n’est plus les pauvres, mais la classe moyenne qui se voit réduire l’accès à l’éducation supérieure. Soulignons ici que quand je parle de la catégorie « pauvre », je la différencie d’une autre catégorie, celle de « très pauvre » ou même avec l’aide sociale la survie est difficile et l’accès à l’éducation demeure impossible.
Les conditions pour avoir accès à une aide financière sont assez strictes et elles forcent le demandant à demeurer dans une situation particulièrement absurde. D’abord, le revenu alloué dépend non seulement du revenu du demandant, mais aussi des parents. Cela semble logique, car si la personne est pauvre, il y a de grandes chances que c’est parce qu’elle vient d’une famille pauvre. De tels parents voudraient alors, idéalement, aider comme ils peuvent l’individu à accéder aux études supérieures, et en prouvant qu’ils n’ont pas les moyens, le gouvernement aidera donc les parents à financer l’individu. Par contre, une telle idée présuppose que les parents veulent aider l’individu, et que les parents et l’enfant ont une bonne relation. Avec le médiocre revenu alloué par l’AFE, il semble clair qu’une telle aide est donnée en supposant que l’individu ne vivra pas uniquement des prêts et bourses, mais qu’il jouira également d’une aide parentale, qui, malgré lacunaire, résultera en un niveau décent de vie chez l’individu quand elle est jointe aux prêts et bourses. Cette supposition est théoriquement normale, car si un individu a un parent à sa charge, ce parent est considéré comme ayant le devoir et la volonté de soutenir l’individu.
Par contre, dans la réalité (et encore plus dans la réalité des individus issus d’un milieu pauvre et défavorisé), il n’est aucunement acquis que le parent et l’individu entretiennent une bonne relation. Cela veut dire que dans certains cas, le parent ne veut pas aider l’individu et considère qu’il devrait se débrouiller seul. Ou encore, l’enfant rejette son parent et ne veut pas de son aide. Dans de tels cas, qui oui, sont quand même fréquents, l’enfant s’avère donc seul avec la très modeste somme allouée par l’AFE, et le revenu des parents n’a rien à voir avec la situation de l’individu, même qu’il ne fait que la désavantager. Sans prendre en compte le revenu des parents, la situation économique de tels individus révèle clairement que 800$ par mois (l’aide moyenne de l’AFE) est ridiculement bas. De plus, si le parent obtient une augmentation de salaire, cela affecte directement le revenu alloué à l’individu par l’AFE, même dans des situations, comme on l’a vu, ou le parent et l’enfant n’ont aucune relation économique. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie qu’une condition pour pouvoir survivre aux études avec l’AFE, c’est d’avoir une bonne relation avec ses parents, et pire encore, c’est une condition qui exige de l’individu de rester ou de redevenir dépendant de ses parents.
Encore en lien avec les relations parentales, une autre condition de l’AFE exige que l’individu habite soit à l’extérieur de la ville de ses parents, soit dans la même maison que ses parents. L’AFE n’allouera aucune aide additionnelle pour des paiements de loyer chez un individu qui habite dans la même ville que ses parents, car le système suppose que si l’individu veut vraiment s’aider, il habiterait chez ses parents plutôt que dans un loyer. Mais cela présuppose encore une bonne relation entre l’individu et ses parents. Que faisons-nous des cas où le parent refuse que l’individu retourne habiter chez lui, ou des cas dans lesquels l’individu lui-même désire être autonome et avoir son propre chez soi? Que faire des ces relations très conflictuelles entre un individu et son/ses parent(s), dans lequel un individu est incapable de vivre avec l’autre sans une atteinte considérable sur son bien-être et sa santé mentale? On ne choisit pas nos parents et ce n’est pas le privilège de tous d’être né dans une famille harmonieuse. Et surtout chez les familles issues de milieux désavantagés, ces familles dont justement l’AFE souhaite aider, elles ont encore plus de chances d’être dysfonctionnelles. Pour plusieurs individus qui ont des relations mauvaises avec leurs parents, ceux-ci ne prennent pas la peine de continuer leurs études quand ils apprennent ces exigences de l’AFE, car ils se disent : « À quoi bon aller aux études si pour y avoir accès, je dois vivre avec des individus tellement intolérables que ça m’empêcherait d’étudier, de me concentrer, et d’avoir une vie digne et autonome? ». De tels individus, qui veulent ou doivent vivre dans un loyer dans la même ville que son/ses parent(s), sont alors dans des conditions précaires sous l’AFE. L’aide financière est en moyenne 800$ par mois, ce qui signifie que l’individu se trouve à devoir vivre avec 400$ par mois. Je ne dis pas que c’est impossible, mais je ne dis pas non plus que c’est une condition que plusieurs considéreraient comme « acceptable » ou « décente ». Plusieurs vont plutôt être tentés de devenir un travailleur salarié autonome plutôt qu’un étudiant.
Certains diront : « d’accord, l’AFE à elle seule n’est pas suffisante, et certains n’ont pas le privilège d’avoir de l’aide parentale qui s’y ajoute, mais pourquoi ne font-ils pas juste travailler à temps partiel en même temps d’aller aux études, et travailler temps plein durant l’été, accumulant ainsi des richesses pour survivre la prochaine session scolaire? ». La réponse est que l’AFE refuse d’aider de telles personnes qui veulent s’aider elles-mêmes. La logique de l’AFE, semble-t-il, ses résume à : « Soit tu es totalement dépendant de nous, soit tu te débrouilles tout seul ». Je m’explique. Tout étudiant qui fait face à une aide insuffisante de l’AFE envisagera 3 options :
1) Travailler à temps partiel durant sa session scolaire
2) Travailler le plus d’heures possibles l’été pour investir dans sa prochaine session
3) Abandonner l’AFE et juste travailler en même temps d’étudier
Il semble être une solution évidente de travailler durant les fins de semaines pour compenser l’insuffisance de l’AFE, mais non! Au contraire, une telle stratégie vous fait gagner encore moins d’argent que si vous ne travaillez pas. L’AFE calcule l’argent alloué en fonction d’une déclaration de revenu de l’individu. Moins que l’individu a de revenu, plus il se fait allouer d’aide par l’AFE. Mais si l’individu travaille pendant qu’il étudie, le revenu supplémentaire qu’il se fait doit aussi être inclus dans sa déclaration, ce qui implique que l’individu aura moins d’aide financière. Mais alors, même si l’AFE diminue son aide, le salaire de l’emploi à temps partiel, ajouté à cette aide financière diminuée est quand même plus que l’aide financière tout seul, non? Non. En fait, il est plus payant de ne pas travailler. Le montant d’aide financière allouée à un étudiant qui ne travaille pas est plus haut que le revenu qu’un étudiant se ferait à travailler en plus d’avoir de l’aide financière. Donc, en plus d’enlever du temps libre et du temps d’étude, le travail nous fait vivre plus pauvrement que si nous nous soumettons à la dépendance totale de l’État-providence. La raison est simple : plus que tu te fais d’argent, moins tu es pauvre, donc tu as moins besoin d’aide. Mais le raisonnement est fallacieux parce que l’aide de départ était déjà insuffisante, et la raison qu’on décide de travailler c’est pour accéder à un niveau de vie décent que l’État-providence ne peut nous assurer. Mais si on tente d’ajouter à notre aide financière lacunaire de l’argent qui vient de notre propre effort, nous sommes punis pour cet effort d’autonomie, et nous réalisons que nous sommes mieux payés à rien faire. L’AFE réduit son aide d’un montant tellement considérable quand on travaille à temps partiel, que l’individu se voit logiquement obligé de ne pas travailler. En effet, pourquoi travailler et étudier simultanément si je peux faire autant d’argent sinon plus à seulement étudier?
Si nous ne pouvons pas travailler et étudier en même temps sous l’AFE, on peut tout de moins travailler durant l’été. En effet, cela est nécessaire, car durant les vacances scolaires, l’AFE cesse d’envoyer de l’argent, et nous sommes pris pour payer notre loyer, notre nourriture, etc. par nos propres moyens. La première intuition de l’étudiant qui a vécu une session avec seulement l’AFE comme source d’argent sera de se dire : « je travaillerai temps plein, sinon plus de 40 heures par semaine, au salaire le plus élevé que je peux trouver, pour me construire une réserve financière pour la prochaine session d’étude, et ainsi je n’aurai pas à souffrir autant que la session dernière ». Mais une telle stratégie est elle aussi très déconseillée. Certes, il faut travailler durant l’été, mais si l’on travaille trop, les prêts et bourses que nous recevrons la session d’après seront tellement ridiculement bas, que nous regretterons d’avoir sacrifié tout notre été à avoir travaillé comme un fou. Encore une fois, tous nos revenus doivent être déclarés quand nous faisons une demande à l’AFE. Si nous avons fait beaucoup d’argent durant l’été, l’AFE considérera que nous n’avons quasiment plus besoin d’aide, car nous nous rapprochons du seuil de revenu de la classe moyenne. Mais ce revenu est temporaire, car durant les études nous ne travaillons pas, et cette accumulation de richesse est censée servir à compenser la trop modeste somme d’aide financière que nous avons chaque mois. Mais à cause de cette accumulation de richesses, l’aide financière que nous recevons est encore plus basse, voire tellement basse, que tout l’argent que nous avons accumulé durant l’été ne permettra pas de remplacer ce manque.
Pour garantir que l’AFE ne coupe pas trop radicalement le montant d’aide qui sera accordée la prochaine session, l’individu doit, pendant l’été, travailler un maximum de 15 heures par semaine, au salaire minimum. De plus, même si les vacances d’été durent 4 mois, l’individu peut seulement travailler pendant 3 mois sinon il verra son montant d’aide financière réduit considérablement. Or, le revenu d’un tel emploi à temps partiel ne permet pas à un individu de subvenir à tous ses besoins durant l’été, et encore moins d’accumuler quoi que ce soit pour l’école. La seule option qui lui reste, c’est de rester chez ses parents, chez un membre de la famille ou chez un ami gratuitement pour ne pas avoir à payer de loyer. L’individu doit retourner dans un état de dépendance pendant tout l’été s’il veut pouvoir avoir assez d’argent pour sa prochaine session. Mais comme mentionné plus haut, ce n’est pas tout le monde qui a un tel individu sur qui il peut se fier pour se loger gratuitement, et un emploi de 15 heures au salaire minimum n’est pas humainement suffisant pour vivre dans un loyer avec électricité et nourriture. Il s’avère donc plus payant de travailler moins, à un salaire moins élevé, que de plus travailler, car quand la session scolaire arrivera, si nous avons trop travaillé, nous nous retrouverons avec un montant misérable d’aide financière. Encore ici, l’aide financière ajoutée à un emploi d’été à temps partiel, salaire minimum, pendant 3 mois engendrera plus d’argent dans la poche de l’individu que l’aide financière ajoutée à un emploi d’été à temps plein, salaire élevé, pendant plus de 3 mois. La conclusion : plus pauvre il sera l’été, plus riche il sera durant sa session scolaire.
Donc, dans les deux options, l’individu se fera le plus d’argent quand il travaillera le moins possible. Moi-même, je me suis trouvé dans une situation embarrassante quand j’ai dû demander à mon employeur de baisser mon salaire, car je faisais « trop » d’argent, et je risquais de me faire réduire mon aide financière. L’employeur voulait me donner une promotion, et je me retrouvais à devoir insister qu’on me paye le moins cher possible pour être sûr d’avoir le plus d’argent possible. On voit ici dans sa pleine concrétude l’impasse absurde engendrée par l’AFE. J’étais obligé d’être pauvre pour avoir assez d’argent pour aller aux études. Cela revient quasiment à dire qu’en matière d’accès aux études supérieures, la classe pauvre est plus avantagée que la classe moyenne. Ou pour formuler la contradiction dans toute sa splendeur et simplicité : Un pauvre est plus riche qu’un moins-pauvre.
La troisième solution s’impose alors : à quoi bon l’AFE? Pourquoi ne pas juste laisser faire l’AFE et travailler autant qu’on veut et qu’on peut durant l’été et les sessions scolaires? C’est une solution déjà plus pertinente que les deux autres, du moins, pour ceux qui sont capables de travailler et étudier en même temps. La consolidation du travail et des études est une réalité pour une grande partie des étudiants universitaires et collégiaux. Certains sont capables de consolider les deux en faisant des études à temps partiel, ce qui leur permet de se faire de l’argent sans avoir une surcharge de travail scolaire. D’autres réussissent à gérer à la fois un travail et des études à temps plein. Je dois lever mon chapeau à ceux qui sont capables de marier travail et études, car j’en suis personnellement incapable. Certains individus, moins talentueux peut-être, moins favorisés par la nature ou la culture en termes de capacités intellectuelles, de gestion du temps ou de santé mentale, se trouvent dans l’incapacité de travailler et d’étudier en même temps. L’étude à elle seule prend la quasi-totalité du temps de certains étudiants. Comme qu’il y a des génies qui réussissent à obtenir des A à leurs examens en étudiant à peine, d’autre doivent dépenser des jours et des nuits à étudier et à seulement être concentré sur leur matière scolaire pour parvenir à obtenir une note décente. De telles personnes, moins favorisées dans leurs capacités biologiques, leur éducation, leurs relations familiales, et leur situation socio-économique, ne seraient pas capables de réussir à l’école s’ils doivent en plus travailler.
En effet, statistiquement parlant, les individus issus de quartiers ou de milieux désavantagés ont plus de chances d’avoir des difficultés d’adaptation, d’apprentissage, de concentration et de socialisation, en plus d’être plus à risque de maladies mentales et physiques. Bien sûr nous avons tous des exemples en tête d’une personne qui, issu d’un milieu pauvre, malgré ses conditions défavorables, a réussi tout de même à devenir riche ou célèbre, que ce soit votre oncle ou une figure historique. Mais il s’agit ici d’exceptions, et nous ce qui nous intéresse, c’est la tendance générale, statistiquement et historiquement appuyée. D’ailleurs, si nous faisons des critiques de la société, c’est bien justement pour rendre de telles exceptions moins exceptionnelles, c’est-à-dire à permettre à plus de gens de s’échapper des faits statistiques et de se libérer des déterminations de la loterie naturelle. Si je mentionne de telles tendances défavorables chez les gens de la classe pauvre, c’est parce que l’État-providence et l’AFE ont justement comme fonction principale d’aider les personnes défavorisées à échapper à ses tendances. Un tel système existe spécifiquement pour de telles personnes. Des personnes qui, dans plusieurs cas, se trouvent incapables de travailler et d’étudier en même temps. Si un tel système, qui vise à aider de telles personnes, se trouve insatisfaisant au point que les gens qui en ont besoin décident de ne pas y adhérer et de plutôt travailler, il y a donc un problème. Certaines personnes peuvent seulement survivre à l’école du fait qu’ils ne sont pas obligés de travailler en même temps, et l’AFE doit pouvoir être capable d’assurer un mode de vie décent pour ces personnes. Soit l’AFE permet une aide financière décente pour ceux qui vont aux études sans travailler, soit elle permet aux étudiants de travailler sans que ça l’affecte autant leur aide financière. Si l’AFE ne peut pas parvenir à satisfaire une de ces deux conditions, elle demeure dysfonctionnelle et ne répond donc pas au problème qu’elle a par son origine même comme fonction de répondre.
Ce que je vois sous l’AFE, c’est un État qui permet aux pauvres d’aller à l’école, mais en échange, ils doivent rester pauvres. Seulement une fois les études terminées et leur dette scolaire payée peuvent-ils finalement sortir de cette impasse et essayer de sortir de la classe pauvre. Malheureusement, ce n’est pas tout le monde qui réussit à tolérer cette situation jusque-là, surtout parce qu’une des principales raisons que les pauvres veulent aller à l’école, c’est pour arrêter d’être pauvre. Quand ils apprennent que pour avoir un diplôme, ils doivent passer plusieurs années encore plus pauvres qu’ils ne l’étaient auparavant, il est comprenable que certains se découragent et considèrent ça comme une barrière qui les empêche d’échapper à leur classe sociale. L’AFE ne réussit pas à détruire le bon vieux cercle du « je suis pauvre, car j’ai pas été à l’école, mais je peux pas aller à l’école, car je suis pauvre ».
En analysant de plus près tous ces problèmes résultant de l’application de l’AFE au vrai monde, on voit qu’un tel système, intentionnellement ou non, encourage les pauvres à demeurer dans la classe pauvre, car s’ils montent à la classe moyenne, ils ne pourront plus aller aux études. Le système encourage ainsi à devenir dépendant et à ne pas monter dans l’échelle sociale. Au lieu d’encourager à être un membre actif de la société, qui contribue au monde et à l’économie, l’individu pauvre apprend à ne rien faire et se laisser nourrir par l’État, situation que l’on retrouve également dans le phénomène du « bien-être social ». Les classes sociales sont donc encore, comme dans le passé, protégées par les institutions pour faire en sorte que si l’on est né dans une classe, on y reste. Pire encore, ceux qui sont dans la classe moyenne sont encouragés à faire moins d’argent et aller dans la classe basse, car il y a en fait plus d’avantages sociaux, et c’est plus facile que monter à la classe riche. La société essaye donc, consciemment ou inconsciemment, à travers l’idéologie bourgeoise (trop facile d’être marxiste ici) de réduire la tripartition sociale à une dualité riche-pauvre, en rendant la situation de la classe moyenne tellement difficile qu’elle est forcée soit à monter ou à descendre. Même si on brandit l’âge de la liberté et de la justice distributive, on voit que la vieille idéologie élitiste nous hante encore, voulant déterminer nos possibilités selon notre position socio-économique de naissance, et faire en sorte qu’on ne s’en sorte pas. Cela contribue à garder la classe des riches en place, pour qu’elle ne puisse pas perdre son pouvoir, et diminuer le plus possible les chances des classes plus basses d’accéder à leur statut pour les rivaliser.
Tony Desjardins